Apres une enfance et une adolescence "en pays sauvage" (Montaigne), mais qui, malgre la place qu'y tint le fastidieux travail, ne furent pas des pires, le temps de la guerre et de la Liberation, bien que n'ayant pris part ni a l'une ni a l'autre, fut celui ou je vecus de la vie la plus intense, ou je fis montre de l'energie la plus farouche et ou je connus les plus grands bonheurs. Les choix de la jeunesse decident de toute la vie. J'ai pris, au moment opportun, les decisions pour moi les meilleures, deux surtout: celle de me vouer exclusivement a la philosophie, celle de choisir la "plus excellente femme," comme dirait Montaigne, pour etre ma compagne de toujours - c'est a son souvenir que ce livre est dedie. Il ne s'agit d'ailleurs que de moi-meme et de ma vie, si indissociable soit-elle d'autres vies. Aussi ne veux-je donner de lecon a personne. Mais je n'entends pas non plus que l'on m'en donne car j'ai vecu selon ma verite - et donc selon mon droit. Et s'il me fallait revivre, c'est la meme vie que je choisirais - n'en deplaise aux juges.